Plus rien ne m'émeut, j'ai perdu mon capital émotion, disons plutôt que je l'ai troqué contre deux barils de poudre au supermarché du coin. Aucune phrase ne me touche. On peut me dire "tu es mort" je dirais "ah" ; le docteur a dit "vous avez le SIDA" j'ai dit "je n'ai pas fait le test" il m'a dit "oh, mille excuses, j'ai parlé trop vite", ce type de trucs m'arrive toujours. Ça me lasse putain, alors j'ai pris la bagnole direction le soleil par la N10. J'ai écrit un bouquin pour guérir, je l'ai appelé "Guerrier pour demain" mais aucun éditeur n'en a voulu sous prétexte que j'y demandais qu'on légalise la marijuana, mais oh hé les mecs, bienvenue au vingtième siècle, tout le monde fume, même les filles. Alors que faire je me suis dit? Je vais partir vraiment, le soleil doit bien marcher plus au sud. J'ai écrit un autre bouquin sur la route, il s'intitule "Je vous chierai liberté de pensée", c'est une critique acerbe du monde actuel, je pense qu'il est temps que ça pète. Le problème c'est que pour l'instant il n'y a que douze mots dans ce truc et qu'ils ne forment même pas une phrase. Je me suis arrêté à Lannemezan du coup et j'ai demandé à un magasin où je pouvais faxer un truc, alors la vendeuse m'a dit "au bar-tabac là bas" et je lui ai dit que je rêverais de mettre mon pénis entre ses deux grosses loches mais elle a rien répondu parce que j'ai dit ça dans ma tête. J'ai envoyé mon bouquin aux éditions Gallimard, j'espère qu'on me dira oui.