"Radde de merdde" y'a écrit dans les chiottes. Je suis ok mais je pige pas cette manie de mettre plusieurs D. Je suis pas sûr que ce soit une manie non plus. Julie faisait des mots-croisés quand je l'ai rejoint. On a parlé des problèmes à son boulot, moi je lui ai conseillé de voler des sandwichs quand son patron abusait. Le vol c'est cool. Petit il m'est arrivé de voler des pièces, genre 2 francs, à ma soeur quand elle me pétait les couilles. C'était vraiment une vengeance géniale, faire croire qu'on perd mais ramasser de la thune. Les chiottes sont l'endroit le plus vivable de ce rade dégueu. C'est un ancien cabaret, enfin je suppose vu qu'il y a une scène et un piano couvert par un drap et de la poussière. Julie me parle et je me rappelle que mon pénis a déjà été dans sa bouche et que c'était un mois de janvier cool. Après elle parle, elle parle, elle parle, c'est lassant. Je l'écoute plus trop. Puis je suis saoul, on est lundi nuit et je me suis fait une tâche sur le veston. Dépité et en mauvais état, j'abandonne Julie à ses mots-croisés et je rentre chez moi jouer à des jeux vidéos.
Deux jours après un type m'appelle pour le boulot, il me dit voyons nous, je lui dis d'accord et je lui donne l'adresse du rade, aucune idée de pourquoi. On y va, on commande des grosses bières sales et on discute, on se dit blabla site internet, blabla écrire, blabla. Et puis après on se détend un peu et le type me raconte que c'est marrant qu'on se voit ici parce qu'il connaissait cette place de ses années d'ado. Alors je lui dis "tell me more" parce qu'on parle anglais. Et il raconte que ça a été une sorte de boîte à putes mais pas vraiment et que tout le challenge c'était d'y entrer en étant mineur. Le patron était constamment saoul et il laissait pas mal de fois des "amis" à lui aux portes et que eux aussi étaient saoul. C'est ici qu'il a touché ses premiers nichons et il a vomi pas mal dans les chiottes qu'il me raconte. Alors moi je me marre. Après le patron a pété un cable visiblement, il a buté une fille dans une sorte de partouze de poivrots, il l'a étouffé dans un sac plastique. Il s'est dénoncé tout seul le lendemain et visiblement il était devenu un peu taré parce qu'il a baisé la meuf une fois morte alors qu'il pensait qu'elle était juste dans les vaps. Le bar avait fermé mais ce qui est drôle qu'il me dit, c'est que rien n'a vraiment changé. On se serre la poigne et on va dormir après deux ou trois autres verres pendant lesquels on parle surtout de sport.
Un mois plus tard Julie me propose de revenir dans le bar. Je dis ouais tout de suite, normal. On se retrouve au métro d'abord, elle est habillé court avec une robe blanche et bleue et un noeud assorti et un oeil au beurre noir aussi. C'est pas assorti avec la tenue, c'est un client de son boulot qui lui a fait sans faire exprès, il a fait tomber des trucs je crois et en essayant de les ramasser il l'a touché, en fait j'écoutais pas trop, je sais pas, c'est un peu trop l'été pour que je puisse me concentrer. Le bar est en travaux, il est en train d'être repeint et redécoré, le boss nous explique qu'il reste ouvert quand même mais qu'il fait plus à bouffer parce que l'odeur de la peinture faisait dégobiller les clients. On reste et il nous paie le troisième verre. Je lance un peu la discussion sur ce qu'il y avait ici avant et le mec raconte l'anecdote de l'ex-patron et de la meuf avec quelques changements. Pour lui, le mec l'a tué exprès et a fait payer ses potes pour baiser une morte. Après il a fait croire qu'il était fou pour pas faire de prison. Aucun des anciens clients ne vient ici depuis qu'il a donné sa version. Tous les types qui sont censés savoir répètent que l'ancien patron était souvent saoul plusieurs jours de suite et qu'il se souvenait de rien en général mais ça tient pas comme version qu'il nous dit. Je reste circonspect. Il va peindre tout ça plus clair et refaire les chiottes. Je lui dis que c'est un bien et puis on trinque un coup.
Julie m'a dit qu'elle était revenu là bas mais que les prix ont augmenté et que le mec avait embauché un ami pour passer du trip-hop ou de l'ambient, enfin, un truc merdique comme ça, alors bon, ça vaut plus le coup d'y revenir.