L'autostoppeuse a un drapeau tibétain accroché à la lanière de son sac, je l'avais pas vu parce que j'ai regardé que ses jambes quand je l'ai prise, je m'en mords les lèvres maintenant parce que cette pute essaie de le mettre bien en vue pour que je le vois pour qu'elle puisse en parler. Parce qu'elle veut parler. Parler parler parler, merde. J'évite le truc pendant un quart d'heure et puis à un feu rouge, à un sémaphore même, mes yeux se baladent et entre deux nichons tombent sur le drapeau. Juste le temps de piger l'erreur et elle me parle de la cause tibétaine. La cause. Putain. C'est à m'empêcher d'être de gauche quand j'entends des trucs comme ça. Elle parle: "libération", "oppression", "massacre", "culture", "liberté", "patrimoine" et "la honte des jeux olympiques". Bon. J'aime ça moi les tibétains sur le principe, des mecs marrants qui font du kung-fu et des temples dans les montagnes c'est chouette, y'a le Yéti aussi, bien le Yéti, si je me rappelle bien, y'a également des sacrés Lynx dans ces régions. Tout ça est formidable. Mais qu'on me foute la paix avec la libération du Tibet. 5 ou 6 millions de bonshommes des montagnes qui luttent supposément pour avoir le droit de revenir à un pays gouverné par leurs curés karaté en soutane arc-en-ciel ça commence à faire. Le droit de parler et de, comme le prévoit l'ONU, s'autodéterminer, je dis oui, mais libérer le Tibet, mon cul. L'autostoppeuse parle beaucoup encore elle parle des cultures opprimés et de l'oppression des peuples et je sais bien que je la chopperais pas, je choppe pas les autostoppeuses, c'est dégueulasse, je me vois pas me garer dans un chemin pour lui proposer de me sucer si elle veut qu'on aille plus loin. Alors du coup je commence à en avoir ras-le-bol de devoir l'entendre sachant qu'en retour j'aurais rien, voire pire, le petit drapeau en souvenir. Alors je finis par faire un petit pffiou et je lâche tout. Je lâche l'affaire que toute libération est un nouveau servage et que c'est une sale hippie et qu'on n'en veut pas de la Bretagne Libre et qu'on en veut pas d'un pays de religieux. Elle me dit que si. Je lui dis que ta gueule, que les Dalaï Lamas ou les Chinois du P.C. c'est tous des connards, et qu'elle ferait mieux de s'occuper de son cul par moments, parce qu'après il finit par grossir et que personne n'aime ça. Le plus dingue c'est qu'elle ne quitte pas la Vectra, elle devient rouge, bouge la tête un peu trop et ferme sa gueule jusqu'à Arles où nos chemins, joie, finissent par se séparer.