lundi 13 avril 2009

Je ne crois pas en la poésie

Dans le bureau de mon éditeur on est trois. Y'a moi, mon éditeur et son amie Florence qui travaillent à France 3. On parle de poésie, parce que mon éditeur veut que je sois un poète parce que je suis super fort il me dit. La Florence elle fait pas que France 3, elle est aussi dans la Culture et elle veut participer à ce projet. "Quel projet?" je demande. Et ils m'expliquent des trucs sur un ouvrage collectif et puis un événement et puis surtout un manifeste. Comme ça on viendra en groupe et on pourra être plus visibles. Je demande les noms des autres et je suis pas déçu, surtout parce que je les connais pas. Je connais rien au monde littéraire moi, je leur dis ça mais ils me disent "ahahah, t'es vraiment un sacré type toi, un sacré iconoclaste". Mais merde je leur gueule, merde avec un point d'exclamation à la fin même! Je suis pas sûr que je veux, et je veux pas être dans un groupe parce que je saurais pas quoi dire, j'écris parce que je veux pas travailler moi, pas pour être dans un groupe et écrire des manifeste. Après un café je me calme et ils m'expliquent que j'aurais qu'à le signer et que j'aurais pas à trop participer mais c'est dommage parce que j'ai vraiment une gueule et puis je suis un sacré type moi, un iconoclaste. Reste ce que je dois pondre. Pas trop trash ils me disent. Pas trop classique genre vers/rimes. Je dois être moderne. J'ai un flash à ce moment là, je leur dis "Est ce que je pourrais dire que je suis dans la tradition de la peinture figurative, est ce que je pourrais invoquer Velasquez et Manet et Degas?". Là ils sont éberlués un peu et puis Florence dis "Oui, enfin, oui oui". Et je rajoute "Et Jeff Wall?". "Oui, enfin, oui oui". "Alors c'est entendu". Ils sont bien feintés les cochons. "Mais ça donnerait quoi, parce que là je vois pas trop, ça serait comme ce que tu fais d'habitude?" "En pas trop trash?". Oui oui je leur réponds, ça serait peintre la vie moderne voilà, avec des mots qui font des images qui sont la vie avec moi dedans un peu mais surtout la vie. Comme si j'écrivais
C'est le filtre
De mon temps perdu
Ça s'effile et
Je m'enfile des perles brutes
Une par une
Plop par heure
Que me disent les gros chiffres rouges
De mon cadran qui bipe
Bip par heure
Plop par bip
Jusqu'au bout du collier
Jusqu'à la prochaine journée.
Florence se demande à haute voix si c'est pas trop trash, Mon Éditeur lui repète encore un "Ah ce type est formidable! Il est formidable! Ça t'arrive comme ça alors? Écoute c'est formidable!". Et moi je dis oui et j'espère que je serais bien payé pour ça.